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L’exploitation forestière industrielle

L’exploitation industrielle sélective de bois d’œuvre est celle opérée par les entreprises industrielles, souvent sur des grandes surfaces avec des engins lourds, dans les forêts de production permanente, selon un contrat de concession forestière et le plus souvent un plan d’aménagement forestier fixé avec l’Etat. Elle vise des essences dites « nobles », de grande qualité industrielle, présentes en faible densité à l’hectare.

L’activité d’exploitation forestière consiste notamment en l’abattage, la transformation et le transport du bois. En forêt tropicale, le défrichement a été largement pratiqué par le passé. Depuis, on lui préfère “l’abattage sélectif” ciblé sur les arbres à commercialiser.

Selon Global Forest Watch (année 2019), l’exploitation forestière n’est responsable que d’une très faible partie des pertes de couverture forestière (quelques centaines d’hectares par an) dans les pays tels que la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée, le Libéria, le Nigéria ou encore la Sierra Leone.

Toutefois, l’exploitation industrielle des forêts, légale ou illégale, est un facteur de dégradation des forêts tropicales.

Exploitation forestière mécanisée au cœur de la Forêt Communautaire de Gba, Paysage des Mts Nimba. © M. Languy

De nombreuses espèces sont exploitées dans les forêts guinéennes, parmi lesquelles il faut citer :

  • Acajou rouge (Khaya ivorensis)
  • Ako (Antiaris Africana)
  • Azobé (Lophira alata)
  • Ayous (Triplochiton scleroxylon)
  • Bilinga (Nauclea diderricgii)
  • Dabéma (Piptadeniastrum africanum).
  • Dibétou (Lovoa trichiliodes)
  • Frake, Limba (Terminalia superba)
  • Framiré (Terminalia ivorensis)
  • Iroko (Milicia excelsa)
  • Kapokier, Fromagier (Ceiba pentandra)
  • Niangon (Heritiera utilis)
  • Rikio (Uapaca guinnensis)
  • Sapelli (Entandrophragma cylindricum)
  • Sipo (Entandrophragma utile)
  • Tali (Erythrophleum ivorense, Erythrophleum suaveolens)
  • Tiama blanc (Entandrophragma angolense)
  • Egalement en plantations telles que pour Tech (Tectona grandis).

Voici quelques indications sur les volumes produits, importés, exportés et pour le marché domestique. Seul le Nigeria est classé dans les principaux producteurs de produits forestiers au niveau mondial (FAO, 2019).

Quantité produite (x 1000 m3)Quantité importée (x 1000 m3)Consommation domestique (x 1000 m3)Quantité exportée (x 1000 m3)
Nigeria (FAO 2021, données 2017)
Grumes (bois rond. Ind.) 10 002 1 9 418 584
Bois de sciage 2 002 0 1 947 55
Placage 2 2 1 1
Contre-plaqué 56 144 53 3
Ghana (ITTO 2019, données 2017)
Grumes (bois rond. Ind.) 2 450 10 2 014 446
Bois de sciage 534 4 449 89
Placage 262 0 246 16
Contreplaqué 180 16 172 24
Côte d’Ivoire (ITTO 2019, données 2017)
Grumes (bois rond. Ind.) 2 415 1 2 388 28
Bois de sciage 872 0 747 127
Placage 245 2 148 97
Contre-plaqué 106 4 77 33
Liberia (ITTO 2019, données 2017)
Grumes (bois rond. Ind.) 501 0 365 136
Bois de sciage 133 1 132 1
Placage 0 0 0 0
Contre-plaqué 0 7 7 0
Sierra Leone (FAO 2021, données 2017)
Grumes (bois rond. Ind.) 124 0 78 46
Bois de sciage 30 0 10 20
Placage 1 0 1 0
Contre-plaqué 0 3 0 0

Exploitation forestière industrielle dans les principaux pays couverts par les forêts guinéennes (volumes produits, importés, exportée et pour le marché domestique).
Sources :

Le tableau ci-dessous sur les marchés d’exportation montre la place prédominante de la Chine, marché très peu exigeant en matière d’origine des bois, dans l’importation des bois issus des forêts guinéennes.

Top 5 des marchés d’exportation pour les principaux pays couverts par les forêts guinéennes (ITC (2020) International Trade Centre - Wood and articles of wood ; wood charcoal)
Côte d’Ivoire Ghana Liberia Nigeria Sierra Leone
Chine Chine Chine Espagne Chine
France Etats unis Thaïlande Chine Pologne
Portugal Turquie Afrique du Sud Israël France
Turquie Afrique du Sud Brésil Arabie Saoudite Autriche
Autriche Chili Espagne Ghana Sénégal

Source : Trade statistics for international business development : https://www.trademap.org/

L’exploitation forestière industrielle impacte directement les forêts guinéennes, principalement par :

  • Les dégâts d’abattage et autres ouvertures causées par les routes et les différentes infrastructures qui entraînent une perte de superficie du massif forestier et une diminution de la biomasse ;
  • La fragmentation de l’habitat causée par l’ouverture de voies d’accès en forêt, qui peuvent constituer une barrière pour certaines espèces animales en particulier ;
  • Le bruit et les perturbations diverses, qui peuvent par exemple faire fuir certains primates, voire les mettre en conflit avec les groupes de territoires voisins ;
  • La modification de la composition floristique du peuplement forestier (arbres, végétation et faune), par le prélèvement sélectif des espèces exploitées et l’ouverture du couvert forestier qui provoquent le développement de nouvelles espèces liées à l’arrivée de la lumière au sol ;
  • L’érosion des sols, l’accumulation de sédiments et la pollution (hydrocarbures et produits chimiques ;
  • La diminution du nombre de semences disponibles, et perte de diversité génétique par l’abattage des principaux arbres, matures et souvent les mieux conformés, disséminateurs de graines pour ces espèces.

Point d’attention pour la faune
Certaines composantes de la végétation ont un rôle clé vis à vis de la faune (fruits, ressources clés en saisons sèche, feuilles) et certaines communautés animales présentent des dépendances particulières vis à vis de l’écosystème forestier (frugivores, folivores, insectivores). La transformation de la structure et de la composition des peuplements forestiers peut mener à des changements de disponibilité des ressources alimentaires, à la raréfaction ou la disparition d’une ressource clef, ou encore la création d’interactions entre espèces ou entre individus (prédation, territorialité).

Ancienne piste forestière, laissant des traces après de nombreuses années et facilitant l’accès à la forêt pour d’autres activités humaines, légales ou illégales. Forêt Communautaire de Gba, Liberia. © M. Languy.

L’exploitation forestière industrielle impacte indirectement les forêts guinéennes, principalement par :

  • L’augmentation de la population humaine en forêt (travailleurs, leurs familles et autres populations liées au développement économique local), qui renforce la pression de déforestation agricole sur les terres boisées autour de la base-vie, ainsi que sur la pression de chasse en forêt qui s’exerce sur la faune sauvage ;
  • Le risque sanitaire croissant en augmentant les contacts entre les humains et la faune sauvage, d’une part, et entre les animaux domestiques et la faune sauvage d’autre part, éléments qui favorisent la dispersion des zoonoses (maladie contagieuse qui peut se transmettre de l’animal à l’homme dans des circonstances naturelles) ;
  • L’augmentation de l’accès à des forêts isolées et à des moyens de transport, ce qui facilite la chasse et le commerce de viande de chasse dans des forêts inexploitées ;
  • La création d’une demande alimentaire, les bases vie et le personnel en forêt représentant un marché local de viande de brousse approvisionné par :
    • les populations locales, qui traditionnellement pratiquaient la chasse pour l’autoconsommation, lequel évolue vers une activité lucrative s’effectuant intensivement au moyen d’armes modernes et souvent illégales ;
    • les salariés des entreprises forestières qui chassent pour leur autoconsommation
    • des commanditaires et commerçants de viande de brousse.
  • L’établissement d’une liaison directe avec les centres urbains, facilitant l’écoulement de viande brousse à large échelle à travers des filières illégales et mafieuses structurées autour de la corruption des fonctionnaires.
  • L’expérience de l’Afrique centrale dans le domaine a permis de faire émerger des initiatives de gestion de la faune au sein des concessions forestières, dont on trouvera un panorama dans :
    • Haurez B., Fonteyn D., Toint S., Bracke C., Doucet J.-L., Daïnou K., Kéhou S., Vermeulen C. (2020). Élaboration et mise en œuvre d’un plan de gestion de la faune. Guide technique à destination des gestionnaires des forêts de production d’Afrique centrale. Gembloux, Belgique : Presses agronomiques de Gembloux : https://orbi.uliege.be/handle/2268/253115

L’exploitation forestière artisanale … un secteur méconnu et sous-estimé

L’exploitation artisanale du bois peut être définie comme étant un ensemble d’activités menées par des petits bûcherons indépendants, possédant ou non un permis, dans le but principal de vendre du bois de sciage sur le marché domestique ou de certains pays limitrophes.

Ce secteur n’est pas décrit dans les forêts guinéennes, alors qu’il est documenté dans certains pays d’Afrique centrale, notamment en RDC.

L’exploitation artisanale du bois y est souvent considérée comme une activité qui consiste en un détournement des permis légaux d’exploitation. Il demeure essentiellement dans l’informalité en raison de lacunes juridiques.
La production de sciages artisanaux est treize fois supérieure à toute la production formelle des produits bois en RDC. Une augmentation du sciage artisanal est observée ces dernières années du fait de l’augmentation de la taille de la population urbaine et par un relatif accroissement du pouvoir d’achat de certaines classes urbaines.

Sciage artisanal dans la périphérie de la forêt de Wologizi, Liberia ; © PAPFor

Les populations locales sont des bénéficiaires majeurs du sciage artisanal. Par la vente des arbres, les salaires, les profits en milieu rural et les paiements des cahiers des charges.

Le sciage artisanal à petite échelle crée aujourd’hui de nombreux emplois. Au total, en regroupant les activités rurales et urbaines, le secteur du sciage artisanal offre au moins 25 000 emplois directs en RDC.

L’administration capterait un pourcentage des revenus nets générés par la filière, mais une partie probablement importante des taxes n’est pas reversée au Trésor Public mais est directement captée par des représentants des administrations.